Bon! grâce à ma célérité intellectuelle et sa rare acuité, à ce stade, je commençais à avoir de sérieux doutes sur les intentions artistiques de mon si célèbre et si professionnel photographe . Effectivement, je sentais bien une faille dans la logique académique à être couchée nue sur un lit avec un inconnu se mettant torse nu et dévoilant fièrement la pilosité particulièrement dense de son torse.
C'est vrai que quelques mois auparavant un autre photographe avait
eu la même supplique: se mettre ainsi torse nu mais la chaleur étouffante
estivale et l'espace confiné avait visiblement motivé sa demande bien plus que
la vison de mes chairs exubérantes. J'avais cependant refusé trop mal à l'aise
de l'incongruité de la situation mais là, j’étais curieuse d'analyser la parade
coïtale de mon illustre invité bien qu'un brin dépitée par son attitude.
Très souriant et continuant à me cribler de clichés, il me demanda
presque timidement s'il pouvait ainsi monter sur mon lit, m'enjamber pour mieux
faire des photos en plongée...Bien sûr et d'ailleurs pour plus de commodités
quitter le pantalon serait mieux. Je répondis un brin ironique "certes et
le slip aussi" ce à quoi sans sourciller monsieur Paul se dépêcha
d'opiner...
C’était tellement convenu et tellement évident, ma vexation était
intense: qu'il puisse me prendre pour une telle idiote pour ne pas comprendre ,
mais lui tout à son fantasme de se taper une grosse restait 1er degré sans
sourciller.
D'ailleurs, avec un contentement évident il me dit "tu
attendais hein! ça t'excitait? je voyais bien que tu mouillais"...tiens?
le ton vieille France avait été raboté quelque peu,
"- je vais t'enculer", j'étais franchement surprise
qu'il n'ait pas rajouté salope à ce stade-là.
Ok! mettons vite un préservatif sur son médiocre appareil déjà au
garde à vous.
J'étais calme, désabusée de la situation que je jugeais
pitoyable, toute à mon observation de mon fébrile invité , lui visiblement
extrêmement satisfait de la situation
Adieu toute trace d'aristocratie lorsque tout de go il me demanda
d'un air égrillard si je n'avais pas quelques jouets pour compléter et pimenter
la scène. Une double pénétration? bien sûr! pour entamer une relation sexuelle,
à froid ainsi? mm quoique même si lasse de la scène, l’appétit venant en
mangeant, je dois bien avouer que plutôt que de subir telle une vache
impassible l'assaut de mon entreprenant fermier, je comptais bien profiter de
ce plan cul hard qui m'était si curieusement offert...
Le désir des autres, de l'autre a toujours été mon aphrodisiaque
préféré et ma principale nourriture pour pâturer les prés d’Éros alors, après
quelques semaines... voire plusieurs mois d'abstinence, j'étais prête à tester
et subir les assauts de mon taureau en rut...mais si mes seins ballottèrent
trois fois ce fut un grand exploit car moins de 30 secondes plus tard ,
mon photographe s'exclama puissamment de plaisir tandis que moi, j'étais
tentée de demander quand allions-nous débuter ces fameux ébats.
Bien sûr, aucune surprise lorsque souriant il rajouta une fois sa
respiration reprise, sans nulle transition: " bon ma puce, c' était super
mais il est tard, il faut que j'y aille"
- Ma puce? On ne se connait pas , tu viens de vouloir m'enculer et
tu m'appelles ma puce? ok !!!
"- On se voit bientôt bébé?"
Rideau.
Argh! décidément toute la sémantique ringarde était au RDV.
Le soir même je vis que notre photographe avait une page facebook
et fis aussitôt une demande, curieuse, ce qui engendra de sa part, le lendemain
un coup de fil fatal:
"- Bonjour c'est Paul, comment allez-vous? je ne vous dérange
pas?
- Tiens? le vous est de retour ce matin? (dis-je moqueuse et
souriante)
- je ne vous ai jamais tutoyer voyons; si? (eh bien si peut être
quand tu m'as expliqué que tu allais m'enculer non?")
Quelle belle
bibliothèque vous avez?
-euh, Merci
- Je vous appelle pour vous dire que je ne peux vous accepter
comme amie, voyez-vous c'est un peu professionnel mon profil facebook mais en
revanche vous pouvez liker ma page de fans! je vous y encourage même!
Je vous enverrai les photos et vous contacterai dès que je
les aurais traité mais j'ai un peu de travail sur une exposition et peu de
temps pour le moment pour faire le tri comprenez-vous?"
-Oui, je crois que je comprends très bien, je vous remercie de
m'avoir prévenu!
-je vous en prie, vous avez décidément vraiment de très beaux
livres"
Jamais aucune rencontre ne me vexa plus que celle de cet homme,
quelle vexation pour mon égo et ma vanité, quelle leçon pour mon snobisme!
Comment son halo de culture et de mondanité avaient caché le pire des cuistre.
Par rage, je voulais ses photos, m'accrochant à ces clichés afin de ne pas voir
seulement dans notre rencontre, le seul prétexte d'un fantasme sur des chairs
avec lesquels habituellement, dans son milieu, on ne joue pas.
Son attitude, son dernier appel furent une vraie gifle me
renvoyant aux propos jamais oubliés de la compagne de mon ancien amant "en
toute amitié" qui s'était écriée quelques années auparavant, pleine
de sarcasmes "c'est cette fille-là que tu vas présenter à tes
parents"
Bonne à être une fan, à admirer mais surtout pas à côtoyer, même
dans les réseaux sociaux...je le trouvai minable et était pleine de rancune
envers moi-même de cette passivité qui avait encouragé son attitude et de mon
enthousiasme initial devant son travail artistique.
J'attendis longtemps ses photographies, puis, au bout de quelques
mois, je lui adressai un mail sans réponse, l'appelait...à force d'appels et
messages, un an plus tard il intervint en me téléphonant et m'avoua avoir tout
bonnement perdu son travail.
Il était désolé; Moi aussi, d'avoir une si jolie bibliothèque.